Le devoir de plans sociaux lors de licenciements massifs
Autorinnen/Autoren: Hans Würgler, früheres Mitglied von kontrapunkt, altershalber ausgeschieden und Hannes Degen
Von Kontrapunkt* vom 26. Oktober 2005
Les licenciemennts massifs effectués pour des raisons conjoncturelles et structurelles devraient impérativement s’accompagner de négociations avec les partenaires sociaux. Il serait faux que, pour des raisons de répartition des revenus, les actionnaires encaissent des profits immédiats à l’aide de licenciements massifs. La solution législative à cette problématique date de fort longtemps, mais le processus est bloqué. Il est temps qu’il reprenne enfin.
Les récessions des années 90 ont conduit à une forte hausse du chômage et à des vagues de licenciements massifs. Sous l’angle de la politique sociale, la crise a pu être atténuée par l’introduction préalable de l’assurance chômage obligatoire. Des cas de licenciements massifs issus de fusions de grandes entreprises ou de crises structurelles ont conduit au lancement de diverses initiatives parlementaires destinées à en assouplir les conséquences sociales. Mais une initiative datant de 1997, celle du conseiller national Jost Gross, est restée en rade et sa mise en oeuvre n’a cessé d’être repoussée.
En 2002, l’ancienne conseillère fédérale Ruth Metzler (DFJP) a préparé un projet de loi sur les licenciements massifs dans le but de compléter l’article 335 d-g du droit des obligations. L’idée consiste à introduire de façon différenciée un devoir de plans sociaux pour les employeurs lors de licenciements massifs pour raisons économiques. Ce devoir passe par le démarrage rapide de négociations entre la direction et le personnel afin d’alléger le coût social et économique des licenciements. Après le passage de témoin intervenu au DFJP, et l’arrivée de Christoph Blocher, le processus de consultation est resté bloquée.
Le thème des plans sociaux est resté brûlant ces dernières années, dans la mesure où les licenciements massifs dans les sociétés anonymes s’accompagnent d’une hausse immédiate du cours de l’action. Notre intervention est motivée par un but d’éthique sociale, l’équilibre des revenus entre actionnaires et salariés. En particulier, il s’agit d’approfondir les questions réglementaires permettant de désamorcer le conflit évident entre capital et travail dans les cas de licenciements. Ainsi que d’intégrer la question du conflit potentiel qui pourrait opposer les salariés licenciés à ceux qui conserveront leur emploi.
Les licenciements massifs occasionnent différentes sortes de coûts pour l’économie et la société auprès des catégories, privées et publiques, victimes de ces événements. Les premières sont naturellement les salarié(e)s licenciés. La baisse immédiate de leur revenu ne sera que partiellement compensée par l’assurance chômage. S’ils ne peuvent réintégrer le marché du travail, les coûts seront supportés à travers l’aide sociale, les cantons et les communes. Les coûts sociaux du chômage ne sont pas que financiers. Les licenciements massifs de grandes entreprises pèsent lourdement et durablement sur les cantons et communes concernés.
Comprenons-nous bien: Notre objectif politique n’est pas d’empêcher les licenciements massifs. Nous connaissons suffisamment bien les aléas de la conjoncture et la nécessité des adaptations aux changements structurels. Notre idée part plutôt de la volonté d’inscrire la stratégie d’entreprise dans une perspective durable et socialement responsable.
Le devoir réglementaire lors des licenciements permet de porter à la charge des entreprises qui les ont causés les coûts privés et sociaux des restructutions, ou du mins d’empêcher aussi rapidement que possible les bénéfices boursiers attendus dans une optique à court terme. En termes simples, il s’agit d’introduire une symétrie du sacrifice entre chômeurs et actionnaires.
Comme nous l’avons montré plus haut, le DFJP privilégie l’introduction d’un devoir de plan social spécifique dans le cadre d’une révision de la réglementation sur les licenciements massifs du droit des obligations. Il nous semble également possible de changer la réglementation des conventions collectives de travail (CCT). Il existe déjà des CCT qui contiennent l’idée du plan social en cas de fermeture partielle ou complète et la réduction d’effectif correspondante. Pourquoi alors ne pas exiger que chaque CCT inclue l’obligation d’un accord sur un plan social en cas de licenciements massifs? On pourrait y intégrer les éléments standards d’un plan social.
Les plans sociaux ont un coût qui dépasse les prestations de l’assurance chômage. Dans les deux voies présentées pour ancrer le devoir de plan social la question se pose de la garantie des prestations financières nécessaires. Le DFJP veut faire dépendre sa mise en oeuvre de la présence de liquidités suffisantes au sein de l’enteprise. Pour vraiment garantir les plans sociaux, il faudrait donc prévoir la formation de réserves. Il est également envisageable de trouver une solution avec une compagnie d’assurance. Les mêmes questions se posent avec les réserves ou les primes d’assurance, mais le sujet est très complexe et mérite en soi un article à lui seul.
Dans l’établissement des concepts de plans sociaux obligatoires, il faut aussi réfléchir à leur effet sur les anticipations bénéficiaires et donc sur les cours des actions. Ceci afin de bannir des effets de répartition injustifiés. C’est pourquoi l’établissement de licenciements massifs doit inclure une discussion des conséquences du plan social. C’est seulement ainsi qu’un équilibre pourra être trouvé entre les intérêts du personnel et ceux de l’actionnariat. La légifération du devoir de plan social doit lier chaque partie intéressée au processus de licenciement afin que les deux s’accordent simultanément et communiquent ensemble vers l’extérieur.
Finalement il faut rappeler que la politique fédérale a laissé sans réponse satisfaisante l’initiative parlementaire du conseiller national Jost Gross, récemment décédé. Pourtant qui pourrait croire qu’une vague de licenciements masifs ne surviendra plus à l’avenir? L’expérience montre que la volonté des entreprises d’accroître leur taille augmente le risque de crises structurelles. Celles-ci se terminent par une fuite rapide dans de massives restructurations. La mise sur pied d’un devoir de plan social est plus urgente que jamais. Elle pourrait contribuer à la nécessaire réconciliation du travail et du capital dans le système économique suisse.
* Diesen Text haben folgende Mitglieder von kontrapunkt mitunterzeichnet: Prof. .Klaus Armingeon, politologue, Université de Berne; Jean-Daniel Delley, politologue, Université de Genève ; Prof. Hanspeter Kriesi, politologue, Université de Zurich; Prof. René Levy, sociologue, Université de Lausanne ; Prof. Philippe Mastronardi, spécialiste en droit public, Université de St. Gall; Prof. emer. Beatrix Mesmer, historienne, Université de Berne; Prof. Hans-Balz Peter, spécialiste en socio-éthique et socio-économie, Université de Berne; Prof. Peter Ulrich, spécialiste en éco-éthique, Université de St. Gall; Prof. emer. Mario von Cranach, psychologue, Université de Berne; Daniel Wiener, MAS Arts Management, Bâle.